On aurait pu croire, une fois le pays conquis, la planète parcourue, qu'il ne restait plus rien à découvrir. Mais l'équipe d'Inlandsis prouve le contraire, elle estime ne pas avoir épuisé son sujet "l'exploration sous-glaciaire".

"EXPLOIT" pour ces nouveaux explorateurs ce mot leur est étranger. Il n'a pas la même racine. L'exploit désigne un acte accompli, fait, fini.

Explorer, implique une étude en se déplaçant. Ils sont dans leur spécialité et bien sur à leur niveau des "savants" qui réfléchissent à partir des observations qu'ils peuvent tirer des lieux qu'ils parcourent, des moulins et résurgences explorés, du matériel et de l'équipement mis au point.

C'est là leur vraie valeur, ils ne sont pas seulement des "parcoureurs d'espaces" à la recherche d'exploit, mais aussi des marcheurs "pensants".

L'exploration sous-glaciaire, cet espace nouveau est pour eux tout un état d'esprit au service de l'avancement de notre humanité dans l'équilibre de la nature et de la science qui marque le vrai progrès.

Le Groenland. Un immense désert de glace. Des températures qui peuvent atteindre - 50° l'hiver. Cet environnement hostile est parsemé de crevasses, gigantesques cathédrales de glace inexplorées s'enfonçant dans les entrailles du glacier.

Malgré les conditions extrêmes, la vie a su se développer, même ici.

Une vie fragile, invisible et mystérieuse. En surface, des milliards de cellules d'algues colonisent discrètement la calotte. Un minuscule animal, le tardigrade, appelé également ours des eaux, a même réussi un tour de force dans le domaine de l'adaptation. Pour survivre au climat extrême de l'hiver arctique, il met tout simplement sa vie entre parenthèse : il se laisse intégralement congeler jusqu'au retour de l'été, date de sa prochaine résurrection.

Septembre : l'expédition Inlandsis, sportive et scientifique, débarque sur la calotte. Janot Lamberton est le chef de l'expédition. Explorateur et grand coureur de glaciers, c'est la treizième fois qu'il vient au Groenland. Autour de lui, chercheurs, spéléologues, glaciologues, biologistes, médecin, plongeurs et alpinistes : en tout une quinzaine de personnes vont travailler à la surface de l'Inlandsis, mais aussi dans ses profondeurs. Car la nature creuse dans cette masse translucide des galeries encore peu explorées dont Janot Lamberton est devenu le spécialiste.

Dans ces cavités se cachent de précieuses informations pour les scientifiques qui partent y lire les secrets de l'évolution de la glace ou ceux de formes de vie microscopique miraculeusement adaptées à ces conditions extrêmes. La mission va durer de quatre à six semaines, en autonomie complète.

L'été, la fonte superficielle de la glace à la surface de la calotte donne naissance à des rivières, les bédières. Ces rivières s'engouffrent alors dans la moindre fissure du glacier et creusent en profondeur de véritables cavernes, les moulins. Ces vastes cathédrales translucides ouvertes dans la glace sont le terrain favori de l'équipe Inlandsis. Depuis 1989, elle les explore méticuleusement . Son enjeu : pousser toujours plus loin les limites de la spéléologie sous-glaciaire. Résultat : plusieurs records du monde, dont le dernier, en octobre 98, l'a amené jusqu'à - 203 m de profondeur. Un exploit particulièrement délicat, qui exige à la fois une pratique de ce milieu dangereux et une bonne connaissance de son évolution au cours de l'année. En effet, les moulins ne s'ouvrent que pendant un court laps de temps, pendant cet été arctique si bref qui permet aux bédières de couler. Dès que le froid revient, les gouffres se ferment, et l'exploration devient impossible.

Au fil des ans, avec prudence, l'équipe "Inlandsis" a ainsi acquis l'expérience de ce monde déroutant et dangereux, mais tellement exceptionnel, où la surface immensément plane de la calotte cache parfois le piège de gouffres anciens camouflés par une couche superficielle de neige, où l'eau en s'engouffrant dans les crevasses, charge l'air en particules de glace pouvant entraîner l'asphyxie, où des blocs de glace, s'arrachant des parois souterraines, menacent la progression des spéléologues

C'est cette expérience, en surface et dans les gouffres de glace, qui a intéressé les scientifiques et les ont conduit à construire un programme d'observations et de prélèvements autour de la nouvelle expédition, Inlandsis 2003.